Interview
Pierre-Henry
Gagey
Président de Louis Jadot
Vous
avez développé une théorie qu'on
peut appeler "vins de technologie" afin de
réformer la réglementation des AOC et mettre
l'accent plus sur la variété des cépages
que sur l'appellation, pouvez vous approfondir?
Il
ne s’agit pas pour moi de segmenter les vins d’Appellation
d’Origine Contrôlée entre vins de terroir
et vins technologiques. Par contre, je ne peux pas admettre
que l’ensemble des vins d’Appellation d’Origine
Contrôlée français qui représentent
un peu plus de 60 % de la production de notre pays, soient
tous des vins de terroir et dont une partie d’entre
eux se vend moins de 3 euros la bouteille ! Nous avons en
France une pyramide inversée qui doit être repensée.
Bien
sûr, dans les Appellations d’Origine Contrôlée,
il y a des vins de terroir formidables. Il y a aussi des
vins d’appellations plus simples qui peuvent être
délicieux. Ils représentent plus le style d’une
région que le caractère d’un terroir.
Bien sur, je suis conscient que certains viticulteurs propriétaires
de ces mêmes appellations plus simples produisent parfois
des vins de terroir somptueux, mais ce n’est pas la
généralité. Il est fondamental d’admettre
cela de manière
à pouvoir avancer et enfin reconnaître que les
règles du jeu ne peuvent pas être exactement identiques
entre toutes les appellations d’une même région.
C’est de cette segmentation à
l’intérieur des Appellations d’Origine Contrôlée
dont je rêve, plutôt que de vouloir replier certains
vins d’appellations en vin de pays, ce qui ne correspond
en aucun cas, en tous cas en Bourgogne, à notre culture
et à notre désir.
Que pensez vous de la situation actuelle du vin
de France?
La
conjoncture actuelle est difficile car nous sommes confrontés
à une crise particulièrement sévère.
Des crises il y en a en général tous les 10 ans
dans le monde du vin et nous nous sommes toujours redressés
car elles étaient liées à des problèmes
conjoncturels. Cette fois-ci, la crise est plus sérieuse
car elle est à la fois conjoncturelle du fait du dollar,
de la situation économique difficile et de la guerre
en Irak. Plus grave, elle est aussi d’ordre structurel
en raison de la baisse très importante de la consommation
du vin en France, de la concurrence internationale beaucoup
plus vive qui cherche à prendre des parts de marché.
La France reste bien sûr la référence en
terme de vin, même si elle est attaquée sur tous
les marchés. Les réflexions de fond qui ont été démarrées,
certes probablement un peu tard, en particulier sous l’impulsion
de René Renou, doivent trouver des réponses au
plus vite. Autrement nous serons obligés d’arracher
des vignes en France. La Bourgogne de par sa taille est sans
doute moins touchée que d’autres régions
françaises, mais elle a aussi ses problèmes.
La réécriture des décrets d’appellations
préconisée par le Président Renou doit
nous permettre j’en suis sûr de trouver des réponses,
si nous sommes capables d’être véritablement
honnêtes et de faire une analyse lucide et transparente
de la situation. Le morcellement du vignoble français
ne nous aide pas car chacun développe de grandes théories,
favorisant ses intérêts personnels et oubliant
l’intérêt collectif.
Maison
Louis Jadot:
http://www.louisjadot.com/
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de l'interview avec Pierre-Henry Gagey, Louis Jadot
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