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5 de l'interview
Bernard
Billaud Simon
Domaine Billaud Simon à Chablis
La
très grande majorité de vos vins ne sont
pas
élevés dans du chêne, pourquoi ce choix
et qu’est ce que ça apporte au vin?
Le terroir,
comme nous l’avons constaté, est d’origine
marine, composé de calcaire froid et iodé.
La présence vanillée issue de la vinification
en fûts de chêne ne me semble pas toujours compatible
selon les millésimes avec le citron du fruit, le salé de
l’iode.
Pour rester
dans la note marine du vin de Chablis, le bois devra se faire
très discret. Il ne devra en aucun cas devenir un
masque qui cacherait la faiblesse du terroir ou la pauvreté
du millésime ou le savoir faire du vigneron.
Vous
développez la technique de l’ébourgeonnage
avec succès semble-t-il, pouvez -vous nous l’expliquer
et nous dire qu’est ce que ça apporte au vin?
L’ébourgeonnage
au printemps est à mes yeux le seul moyen de réguler
et de maîtriser le rendement en raisins d’une
vigne.
Il demande
de la part du vigneron d’anticiper sur le volume de
la future récolte au moment où celle-ci est
particulièrement menacée par les gelées
de printemps fréquentes à Chablis.
Nous sélectionnons
17 bourgeons par pied de vigne. Ils sont ordonnés
et espacés sur toute la surface du cep afin d'assurer
des conditions optimales de croissance, de concentration
et de maturation des fruits.
Vous
ne pratiquez pas la vendange en vert, pourquoi?
De notre
expérience, la vendange en vert est un constat d’échec.
Elle est pratiquée en juillet pour pallier à
une surcharge de production de raisins. C'est donc à
un moment où la souche est fatiguée d’avoir
nourri une quantité de raisins inutilement.
L’ablation
des raisins en trop, décidée tardivement a
pour effet de gonfler et gorger d’eau les raisins restants.
Les grappes
deviennent alors démesurées dans la grosseur
et produisent un jus dilué.
Fatiguée,
la vigne devra être soutenue par un apport d’engrais
plus important pour assurer la nouvelle production.
Fragilisée,
elle est plus sensible aux maladies, le risque d’accroître
les traitements phytosanitaires est multiplié par
2.
Les
vendanges 2004 semblent s’être passées
dans des conditions satisfaisantes, voulez-vous nous donner
des indications sur le millésime 2004?
L’année
2004 se caractérise en France par une production en
sur-abondance de fruits.
La maîtrise des rendements devenait une obligation pour
qui voulait prétendre faire un bon millésime.
Notre vignoble
bien ébourgeonné au printemps, sans gelées
et bien conduit durant tout l’été, s’inscrit
dans cette prétention.
Le millésime
2004 doit ses qualités au mois de septembre.
Le mois
d’août avec un ensoleillement moyen, voire faible
n’a pas chargé les raisins en glucose et donc
en alcool.
Le risque
de vin dilué est la principale faiblesse du millésime.
Le millésime
2004 n’est pas un millésime de puissance, pour
se souvenir, comme se plaisaient à le dire nos anciens
:
‘’Août
charge les vins en alcool,
Septembre construit la finesse, l’élégance
et
Imprime la marque du terroir’’.
L’élégance
du fruit, la délicatesse du minéral iodé
apportent au millésime des superbes notes de fraîcheur,
de pureté qui, dans la jeunesse et adulte (4 à
8 ans) seront l’expression des vins de plaisir et d’émotion.
Certes,
il ne sera pas de grande garde à l’égal
du millésime 2002. Sa jeunesse, sa richesse florale
sauront séduire immédiatement l’amateur
de vin bien typé Chablis.
Et
à propos des millésimes récents, depuis
2000, lesquels conseillez-vous?
Les millésimes
2000 et 2001 sont des millésimes
à consommer actuellement, pour l’appellation Chablis
et l’appellation Premier Cru.
Les Grands
Crus sont toujours sur leur réserve, ils trouveront
leur plénitude en 2007/2008.
Le grand
millésime est incontestablement le 2002, par son
équilibre de perfection, la matière et le corps
qui le caractérise.
Il est
l’expression même d’un Grand Chablis classique
de garde et d’attente. A oublier pour le découvrir
dans sa plénitude d’adulte en 2010 pour les
Premiers Crus et 2012 pour les Grands Crus.
Le millésime
2003 reste une interrogation, sa richesse de matière
et sa concentration le placent en dehors des millésimes
produits à Chablis depuis longtemps.
Une année exceptionnelle par son climat, la mémoire
d’un millésime éventuellement comparable
remonterait au très fameux millésime 47, issu
lui aussi de grandes chaleurs, mais moins violentes, plus
étalées dans le temps.
Magnifique
au présent, à surveiller dans son vieillissement.
Suite
de l'interview avec Bernard Billaud Simon
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